samedi 30 mai 2009

Werther's Original

Goethe, ce nom fait peur. Déjà, il est allemand, ce qui n'aide pas. Et il conte l'amour dans ses envolées romantiques. Du romantisme en allemand ? Quelle bizarrerie...
Les Souffrances du Jeune Werther est le premier roman de Goethe, paru en 1775. Goethe a 26 ans. Ce livre (cette poésie ?) est considérée comme un précurseur du romantisme. Je pourrai vous citer toutes les sous-catégories spécifiques affublées de noms allemands à l'orthographe barbare, mais comme moi-même je n'y entends rien, je n'en vois pas vraiment l'intérêt.

Les Souffrances du Jeune Werther est un roman épistolaire : les lettres du jeune Werther adressées à l'un de ses amis sont compilées par un éditeur, et parfois avec des billets personnels de ce même Werther.
Werther vient d'élire domicile dans le petit village de Walheim quand il rencontre la douce Charlotte dont il va tomber éperdument amoureux. Obstacle devant cet amour, Albert, à qui est promise la douce Charlotte. Cette histoire du triangle amoureux est commune, avouons-le, mais ce n'est pas là que réside l'intérêt de ce roman de Goethe.
Werther exprime ses pensées à nu, et ses raisonnements. La passion romanesque est exposée, parfois à l'excès, comme l'Empereur Napoléon Ier le fit remarquer à Goethe, comme quoi certaines choses étaient invraisemblables, mais j'ai envie de dire : "Et alors ?" Nous ne sommes pas dans le réalisme le plus cru, mais dans l'exaltation des sentiments. Des sentiments qui touchent chacun au plus profond, car ceux-ci sont communs, tout le monde a connu au moins une fois les pensées ou les actions d'un Werther, d'une Charlotte ou d'un Albert.
Peut-être encore plus que les sentiments, cela doit être la position de Werther par rapport au suicide et à l'Eglise, qui traverse tout le livre, qu'il est intéressant de souligner. Dans ses lettres, Werther ne cesse de reprendre les images de la Bible en les renversant à mesure que son amour immodéré l'entraîne loin des sentiers battus, mais aussi reprend mot pour mot des citations des apôtres, mais encore plus souvent du Christ, en renversant là-aussi les mots et inversant le sens des questionnements. Werther va même jusqu'à paraphraser le Christ en croix interpellant Dieu. Cette thématique de la religion et de la morale est prégnante dans toutes les pages.
Il y aurait des centaines de pages à écrire sur Werther, je n'ai même pas parlé des carcans sociaux dénoncés par Werther, ou encore les fortes métaphores qu'il aborde, mais je n'ai pas le temps ni le courage de tout décortiquer.

J'étais curieux de lire du Goethe, car tout le monde en a entendu parlé sans forcément en lire, et j'ai été conquis. Petite réserve toutefois, il y a certains lecteurs qui pourraient être barbés par les pages et les pages où Werther clame son amour à Charlotte. Mais ce doit être cela qui est si bon.

vendredi 29 mai 2009

The Catcher in the Rye

Le 22 novembre 2008 est sorti l'album de rock le plus attendu de tous les temps, après 15 ans de gestation : Chinese Democracy, de Guns N' Roses. Je ne pense pas pouvoir exprimer mon amourpour cet album, je suppose que le fait que je l'ai acheté en version simple, puis en version collector, puis sur Rock Band 2 illustre bien cela.
Dans cet album, la septième piste s'intitule Catcher in the Rye. Jusque là, rien d'exceptionnel. Cependant, à force de chanter cette chanson, j'ai appris que celle-ci porte le titre d'un célèbre livre, qui ne l'était pas pour moi, The Catcher in the Rye, par J.D. Salinger, en français L'Attrape-Coeur.
En tant que fan absolu des Guns N' Roses, j'ai commandé le roman et je l'ai dévoré, d'autant plus après les termes appliqués au roman sur sa fiche wikipedia : "Publié aux Etats-Unis en 1951, plus de 60 millions d'exemplaires ont été vendus à ce jour et il s'en vendrait environ 250 000 chaque année. Il constitue l'une des oeuvres les plus célèbres du XXe siècle et un classique de la littérature, et à ce titre enseigné dans les écoles aux Etats-Unis et au Canada."
En plus, la personnalité de l'auteur est vraiment susceptible de me plaire, un reclu qui ne parle plus à personne suite au succès, de qui on attend la publication d'une nouvelle depuis aussi longtemps que Chinese Democracy...

Qu'est-ce que j'ai été déçu. Mais vraiment. C'est un peu le livre hype par excellence, sauf que ce hype dure depuis un demi-siècle. D'accord, j'en attendais peut-être trop et c'est peut-être pour cela que je suis si critique, d'autant que je dois bien l'avouer, l'histoire est sympathique et la narration aussi ; mais on est bien loin d'un chef d'oeuvre. Sauf peut-être qu'à seize ans, on s'identifie à Holden, et on trouve ce livre magnifique, d'où un succès ininterrompu.
Bref, je ne suis pas là pour disserter sur le pouquoi et le comment du succès du livre de Salinger, mais exprimé ce que j'ai tiré de ma lecture.
Holden nous raconte son histoire, qui s'est passée l'année précédente, juste avant Noël quand, renvoyé de son école, il décide de ne pas attendre la date des vacances pour quitter l'établissement, et s'en va trois jours avant, les passant à l'extérieur, ne désirant pas rentrer chez lui.
Le style est un style parlé, Holden s'adresse tout d'abord au lecteur (même si par la suite l'on se rend compte que c'est à un autre), le style parlé d'un adolescent, avec toutes ses expressions, ses particularités. Au début, c'est clairement lourd car exagéré, le trait est forci, mais on finit par s'y habituer, ou alors Salinger s'est calmé par la suite.

Ce qui m'a frappé dans ce livre, c'est l'incompréhension face à laquelle est placé Holden. Peut-être ne comprend-il pas le monde, mais surtout, personne ne le comprend. Pire, il ne trouve personne à qui parler. Cela est le fil rouge du récit, il conduit le voyage-même d'Holden. Trouver quelqu'un à qui parler, quelqu'un qui le comprenne et accepte ce qu'il a à dire. Alors il y a sa soeur Phoebe, de dix ans, et qui joue paradoxalement le rôle de confidente quand les personnes plus vieilles ne font que passer, évitant le dialogue, ou le refusant en imposant eux-même leur propre manière de dialoguer.
Au début du livre, la première phrase, Holden dit qu'il n'est pas très enclin à nous parler.

« Si vous avez réellement envie d’entendre cette histoire, la première chose que vous voudrez sans doute savoir, c’est où je suis né, ce que fut mon enfance pourrie et ce que faisaient mes parents et tout avant de m’avoir, enfin toute cette salade à la David Copperfield, mais à vous parler franchement, je ne me sens guère disposé à entrer dans tout ça. »

Pourtant, tout le long du livre, ce qu'il va chercher, c'est juste quelqu'un à qui parler.

mardi 26 mai 2009

Un jour de mai

Kenshin le Vagabond constitue pour moi l'ultime shonen. Voilà, comme ça, c'est dit dès le début. Vingt-huit volumes, six d'introduction et vingt-deux de pur bonheur. Kenshin reste le seul fait d'arme connu de Nobuhiro Watsuki.
Qu'est-ce que Kenshin le Vagabond ? L'histoire se déroule au début de l'Ere Meiji au Japon, en 1878. L'ancien assassin surnommé Battosai, Kenshin Himura, est devenu un vagabond ayant fait le serment de ne plus jamais tuer ; c'est ainsi qu'il est armé d'un sabre à lame inversée. Il tente de refaire sa vie à Tokyo dans le dojo de la demoiselle Kaoru, où il rencontrera de nouveaux alliés et de nombreux ennemis voulant se venger du Battosai. Ca, c'est à peu près le pitch des six premiers volumes, où les personnages sont mis en place, et correspondant, je suppose, à un cycle où l'auteur ne sait pas s'il pourra poursuivre sa série et se lancer dans une grande fresque. Cela correspond à l'intrigue au Pays de la Brume dans Naruto, sur cinq tomes également.

Une fois le public conquis par ce vagabond ancien assassin, le vrai premier cycle peut se mettre en place et c'est là que Kenshin le Vagabond prend toute son ampleur, dans une histoire que je ne peux dévoiler, puis une seconde encore plus profonde et plus sombre. Bien évidemment, ces qualificatifs sont à mettre à l'échelle d'un shônen, ce que reste Kenshin, mais tout de même. Des questions sont posées sur la culpabilité, le passé, le changement, et sur l'héritage des actes des hommes entre eux ou dans le temps.

Vingt-huit tomes, cela représente du temps à parcourir, mais passer à côté lorsqu'on aime le manga, cela serait une hérésie. Kenshin le Vagabond possède un trait de dessin qui s'affirme de page en page, de l'action frénétique et une morale typique du shônen, mais l'histoire, le contexte et la psychologie des personnages en font une série un peu à part, et qui reste pour moi encore inégalée.

dimanche 24 mai 2009

Bleu presque transparent

Je continue ma plongée dans le monde de Ryû Murakami, après les Monologues sur le plaisir, la lassitude et la mort et Love & Pop, deux œuvres de la seconde partie de la bibliographie de l'auteur, post 90's.
Je me suis cette fois-ci aux early years, et même au premier roman de Murakami : Bleu presque transparent, avec lequel il s'est fait connaître en remportant en 1976 le prix Akutagawa, à 24 ans, et vendu à un million d'exemplaires en à peine six mois.

Que nous conte donc Murakami dans ce livre ? En une succession de courts, voir très courts chapitres, il expose des tranches de vie d'un groupe d'adolescents paumés, entre baises, partouzes, drogue et alcool.
Au niveau du style, on sent déjà toute la maturité de l'écriture de Murakami, il a bien gagné avec le temps une pratique de la tournure et de la construction plus fine, mais toute la force des mots est déjà là, les descriptions malsaines et les métaphores cinglantes.
Les orgies de ces adolescents (ils n'ont même pas vingt ans) répugnent et fascinent, sortes d'éclairs fanatiques dans l'ennui quotidien qui ronge ces êtres, qui ne veulent pas s'accrocher à une société nouvelle, pleine de mythes et d'américanismes, qui les laisse de côté, et dont tout ce qu'ils retiennent est de tuer ou d'être tuer par l'autre, bien loin de l'innocence de l'enfance.
De temps en temps, le rêve cristallise les espoirs, et du noir complet, l'adolescent s'approche du sublime dans son intérieur, du noir, il mène au bleu presque transparent.


vendredi 22 mai 2009

De la contemporanéité des animaux

Certains écrits sont plus modernes que d'autres. Certains mêmes sont toujours d'actualité. La Ferme des Animaux est de ceux là. Qui ne connait pas Georges Orwell, éminemment célèbre non seulement pour cette oeuvre, mais également pour 1984 ? Dans ces deux livres, la même critique politique, la même vision des dérives d'une société.

Jusqu'alors, j'avais juste "étudié" 1984 en Première, au lycée. Enfin, on devait le lire, mais vous connaissez les Scientifiques, dès qu'il y a plus de dix pages, c'est pris d'une peur panique et ça fuit. Bref, aucune analyse de l'œuvre. Mais quand même, ça marque, 1984.

La Ferme des Animaux, j'en avais entendu parlé, jamais lu. En ces temps troublés où le tout sécuritaire l'emporte et la connaissance est dévaluée, où cinquante gendarmes mobiles conduisent comme des animaux dix campeurs en dehors d'un campus, La Ferme des Animaux dérange.

Orwell a écrit pour condamner les dérives du totalitarisme, et notamment le stalinisme. Les parallèles sont largement visibles, et je ne pense pas que revenir dessus soit essentiel, des centaines d'études jonchent la toile, il suffit d'aller sur la fiche wikipedia du livre. Ce qui attire plus particulièrement mon attention, c'est la mécanique du livre, le processus de détournement de l'idéal collectif au profit d'un idéal personnel, cela passant par l'écrasement du plus faible. Propagande, manipulation, embrigadement, sécurité, tout y est. Je ne pense pas qu'il est possible de parler de manière si courte, dans un billet, d'un tel livre. Surtout qu'il ne fait que 150 pages. Alors aller le (re)lire. C'est un ordre. Cela sera plus intéressant que de lire ce billet.


mercredi 13 mai 2009

Carmilla, saphisme et vampirisme

Dans le vaste monde des histoires de vampire, Dracula est le plus célèbre de toutes, sous la plume de Bram Stroker en 1897. Mais avant le seigneur des Carpates, une autre vampire avait fondé le mythe : Carmilla. Cette nouvelle est écrite par Joseph Sheridan Le Fanu, aujourd'hui presqu'oublié alors qu'étant le Stephen King du XIXe siècle, et publiée en 1871, deux ans avant la mort de son auteur, alors qu'il souffrait déjà de troubles mentaux dus à ses fièvres chroniques, d'où la présence de quelques incohérences mineures.

Récit à la première personne de Laura, jeune fille isolée avec son père et leurs domestiques dans leur château de Styrie, Carmilla pose les bases de Dracula avec toute l'ambiguïté entourant la créature, l'oupire comme l'on dit dans ces contrées. Bien évidemment, tout y est moins développé, format oblige, mais le romantisme et le côté gothique sont clairement présents. Le récit souffre parfois de quelques longueurs attachées au style fantastique de l'époque, mais rien de gênant tellement l'histoire est prenante, car le lecteur d'aujourd'hui sait ce qui arrive à la narratrice lorsque dans ses rêves, deux petites aiguilles viennent se planter dans sa gorge.

L'autre dimension de Carmilla tient au fait que le vampire est une femme, et s'impose comme une métaphore directe de l'amour interdit, du saphisme. Les déclarations passionnées que fait Carmilla à Laura sont autant de pierres dans le jardin alors défendu de tout amour déraisonné entre une femme et une femme. Cet interdit est illustré par les réactions de Laura, qui ne comprend pas tout cela, qui ne peut même pas le concevoir, et met cela sur des crises de folies passagères de son hôte.

Si Carmilla souffre d'un défaut majeur, c'est celui de son format. La nouvelle permet de faire opérer le charme du fantastique chez le lecteur de manière plus simple, en condensant les émotions et le ressenti, mais cela nuit à l'arrière-plan de l'écriture, aussi bien au saphisme qu'au vampirisme, en ne dessinant que les contours d'une réflexion que Sheridan Le Shanu aurait pu mieux dégager. Pour cela, il aura fallu attendre presque trente ans, et Dracula.

vendredi 8 mai 2009

Déception inattendue

Le Prix Nobel de Littérature n'est pas forcément un gage de bonne lecture car après tout, toutes les sensibilités sont dans la nature. Pourtant, avec Gabriel García Márquez, je ne pensai pas me tromper et vraiment apprécier ses ouvrages, car en ayant lu beaucoup d'extraits en cours d'Espagnol, aussi bien au lycée qu'en hypokhâgne. J'avais dans l'idée de lire tout d'abord Cent Ans de Solitude, mais ce fut Chronique d'une Mort Annoncée qui échue entre mes mains en premier.
Le pitch de départ est simple : Santiago Nasar va mourir, les jumeaux Vicario ont annoncé à tout le village qu'ils allaient le tuer, et pourtant, personne ne réussira à empêcher le crime.

Personnelement, quand j'ai vu que c'était sur ce thème que portait le court roman, j'ai été aux anges, et j'ai trouvé l'idée fondamentalement géniale. Je me suis donc jeté sur le livre.

Cependant, cet enthousiasme ne va durer que les premières pages, et encore. Je pense être totalement hermétique à García Márquez, à moins que ça ne soit la traduction. Les deux premiers tiers du livre sont ennuyeux, mais vraiment, je luttais pour finir ma page et commencer la suivante, ce qui ne m'était plus arrivé depuis assez longtemps. L'auteur nous fait passer sa vision des choses et nous interroge sur la fatalité, nos responsabilités face à ce que nous savons et faisons, mais tout cela est limité par un style réaliste, certes, mais regorgeant de lourdeurs et de tournures inutiles. L'on est bien loin d'une plume limpide et poétique.
Les choses s'améliorent à la fin du livre, dans les 30 dernières pages, comme par magie, peut-être nous trouve-t-il des choses plus intéressantes à lire, plus frappantes, ou son style s'éclaircit-il, je ne sais pas, mais l'écriture de García Márquez devient plus percutante et l'on se dit que tout le roman aurait du être de cette facture.

Reste de Chronique d'une Mort Annoncée une belle matière à la réflexion, ce qui n'est déjà pas donné à toutes les oeuvres que l'on peut lire.