vendredi 20 février 2009

Pleuvent les bombes sur Kobé

L'un des récits les plus durs que j'ai pu lire, et également l'un des plus poignants, est sans conteste une nouvelle d'Akiyuki Nosaka, La Tombe des Lucioles. Chacun remarquera qu'il s'agit de l'oeuvre à la base du film d'animation réalisé en 1988 par les Studios Ghibli, Le Tombeau des Lucioles. Cependant, là où le film se veut poétique, la nouvelle, elle, n'a que faire de la poésie dans cette putain de Seconde Guerre Mondiale, qui prend les corps et brise les vies.

Cette nouvelle, c'est l'horreur.

Présenter l'auteur n'aurait que peu d'intérêt, il est juste bon de noter que c'est un récit à moitié auto-biographique, étant confié très tôt à une famille d'adoption par son père lors de la guerre, après la mort de sa mère à sa naissance.
Sommairement, la nouvelle raconte le destin d'un grand frère et de sa petite soeur dans le quotidien de la guerre, fait de privations, de bombardements et de morts.
Si jamais vous décidez de la lire, je ne vous réserve aucune surprise : la nouvelle s'ouvre sur la mort du grand frère, dans une gare. Ce qui choque, c'est le style percutant de Nosaka. Il réussit à nous retranscrire parfaitement le dégoût de l'humain et la détresse du garçon. Il est là, abandonné, des gens passent autour, maugréant sur son sort ("Quelle honte, laisser traîner ça dans la gare alors que les Américains peuvent arriver d'une minute à l'autre"), luttant contre la soif, la faim, tenant une petite boîte contre lui.

Je me répète, mais le texte est dur, très dur. Le point de vue des deux enfants, abandonnés, est atroce. Ils prennent les tragédies comme elles viennent, et l'on voit l'horreur par leurs yeux. Ce sont des enfants, ils sont encore innocents, et certaines de leurs réflexions font sourire, avant d'en avoir les larmes aux yeux car le lecteur, lui, connait la réalité. Si je devais résumer cette nouvelle en une expression, ce serait "la défaite de l'innocence face à la guerre".

Au sujet de l'écriture de Nosaka, qui peut mieux en parler que le traducteur de la nouvelle, Patrick de Vos ? Il écrit, je cite, que Nosaka possède "un style inimitable - le traducteur a presque envie de dire intraduisible - que l'on reconnaît d'abord à son brassage de toutes sortes de voix, de langues, la plus vulgaire comme la plus classique, où se déverse par coulées enchaînées les unes aux autres le flot ininterrompu des images". Des images, c'est exactement cela. La force des images qui matraquent le lecteur.
Et qui font pleurer, et cela je n'ai pas peur de le dire. Même si depuis le début, on se doute, on sait, on connait le fin mot de l'histoire car il parait inéluctable, mais l'espoir perdure toujours, une lumière, une luciole, le ravive toujours.
Jusque la fin.
Jusqu'à ce qu'on pleure.

A noter la présence dans mon édition d'une seconde nouvelle, moins marquante mais qui vaut tout de même le coup, Les Algues d'Amérique.

Et pour finir, tout de même, la bande-annonce de l'adaptation de la nouvelle par les studios Ghibli.




2 commentaires:

  1. J'ai vu le film, j'aurai préféré lire le livre si j'avais su qu'il paraitrai moins "enfantin" que le film. Perso j'ai été épatté (peu importe comment on l'écris) par le jeu des couleurs, surtout à la fin, l'innocence enfantine perturbée par cette guerre atroce, je me rappelle l'avoir vu deux fois avec ma soeur, la premiére fois quand j'étais trés jeune avec ma soeur en zappant sur Canal, et on a bien chialé, la seconde fois il y a deux ans environ, et on a encore bien chialé. Un super film franchement, trés percutant
    D'ailleurs je vais essayer de le regarder encore une fois ce soir si j'ai le temps...

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  2. Je viens de finir la nouvelle et de relire ce billet qui m'avait tant donné envie de la lire. J'ai eu du mal au début car j'ai mis du temps à pouvoir déchiffrer la première phrase qui est très (voir trop) longue. Ce n'est pas le style de l'auteur que je remet en cause mais plus la traduction qui je pense reste trop collée au japonais, ce qui ne rend pas toujours très bien en français selon moi...
    Sinon c'est une belle histoire vraiment très émouvante dont la fin même si elle est sans surprise arrive de manière presque inattendu.

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