mercredi 13 mai 2009

Carmilla, saphisme et vampirisme

Dans le vaste monde des histoires de vampire, Dracula est le plus célèbre de toutes, sous la plume de Bram Stroker en 1897. Mais avant le seigneur des Carpates, une autre vampire avait fondé le mythe : Carmilla. Cette nouvelle est écrite par Joseph Sheridan Le Fanu, aujourd'hui presqu'oublié alors qu'étant le Stephen King du XIXe siècle, et publiée en 1871, deux ans avant la mort de son auteur, alors qu'il souffrait déjà de troubles mentaux dus à ses fièvres chroniques, d'où la présence de quelques incohérences mineures.

Récit à la première personne de Laura, jeune fille isolée avec son père et leurs domestiques dans leur château de Styrie, Carmilla pose les bases de Dracula avec toute l'ambiguïté entourant la créature, l'oupire comme l'on dit dans ces contrées. Bien évidemment, tout y est moins développé, format oblige, mais le romantisme et le côté gothique sont clairement présents. Le récit souffre parfois de quelques longueurs attachées au style fantastique de l'époque, mais rien de gênant tellement l'histoire est prenante, car le lecteur d'aujourd'hui sait ce qui arrive à la narratrice lorsque dans ses rêves, deux petites aiguilles viennent se planter dans sa gorge.

L'autre dimension de Carmilla tient au fait que le vampire est une femme, et s'impose comme une métaphore directe de l'amour interdit, du saphisme. Les déclarations passionnées que fait Carmilla à Laura sont autant de pierres dans le jardin alors défendu de tout amour déraisonné entre une femme et une femme. Cet interdit est illustré par les réactions de Laura, qui ne comprend pas tout cela, qui ne peut même pas le concevoir, et met cela sur des crises de folies passagères de son hôte.

Si Carmilla souffre d'un défaut majeur, c'est celui de son format. La nouvelle permet de faire opérer le charme du fantastique chez le lecteur de manière plus simple, en condensant les émotions et le ressenti, mais cela nuit à l'arrière-plan de l'écriture, aussi bien au saphisme qu'au vampirisme, en ne dessinant que les contours d'une réflexion que Sheridan Le Shanu aurait pu mieux dégager. Pour cela, il aura fallu attendre presque trente ans, et Dracula.

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