mardi 28 juillet 2009

Gibier d'élevage

Le premier article de ce blog fut consacré à une nouvelle de Kenzaburô Ôé, Seventeen. J'y ai évoqué la prix Akutagawa (le plus important prix littéraire japonais) remporté en 1958 par son auteur pour Gibier d'élevage. Présente en première place dans le recueil de nouvelles Dites-nous comment survivre à notre folie (dont je chroniquerai plusieurs nouvelles au fil du temps, je ne peux pas faire un article globale étant donné la masse de choses à dire), je l'ai donc dévorée.

Voici bien une nouvelle qui n'a pas volé son prix. Durant la petite centaine de pages que dure le récit, jamais le rythme ne faiblit, et jamais le lecteur ne peut s'en détacher. Passons rapidement sur l'écriture d'Ôé, fine et ciselée, prenant le parti de l'émerveillement face à la nature et aux choses du fait de la condition du narrateur, simple enfant.

Durant la Seconde Guerre Mondiale, dans un village japonais de montagne, coupé isolé de "la ville" par la saison des pluies qui en a coupé l'accès, un avion américain s'écrase. Sur les trois passagers, un seul survit et est fait prisonnier. Il s'agit d'un Noir, un "nègre", et il devient l'attraction du village, et surtout des enfants qui le voient comme un animal à domestiquer. La nouvelle est racontée par les yeux d'un enfant, celui qui vit au-dessus de la geôle improvisée du prisonnier et qui doit lui amener à manger matin et soir car aucune femme ne veut s'approcher du "nègre". A la méfiance et à la peur devant cette "bête" succède la confiance, et le prisonnier entre dans l'univers des enfants.

Gibier d'élevage est une véritable parabole sur la différence et sur la vision de ce qu'est l'autre par rapport à soi, mais également ce que l'on est dans les yeux des autres. Le prisonnier est l'animal domestique des enfants, mais les enfants ne sont-ils pas ceux des adultes ?
Un autre aspect marquant à la lecture de cette nouvelle est la barrière du langage, et pourtant la proximité d'éléments universels à l'humanité, qui peuvent rapprocher des êtres, comme un sourire.


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