dimanche 29 mars 2009

Savoir affirmer ses limites

J'ai fini d'écrire Angus. Non, je ne suis pas un surhomme, je n'ai pas réussi à composer un roman en une semaine. J'ai juste vu les limites que possédait mon plan, mon récit et la forme d'écriture que je voulais donner à mon roman. J'ai donc changé d'optique et de format, pour en faire une nouvelle.

Je m'en suis rendu compte en patinant lors de l'écriture. A partir du moment ou écrire devient un vrai calvaire, où l'on se demande comment combler cette page blanche, c'est que quelque chose ne marche pas. Déjà que d'habitude, j'ai toujours en tête un quota de page à atteindre, là, cela devenait obnubilant. En m'affranchissant de cette taille à atteindre, j'ai pris conscience de mes limites et je pense que j'en ai tiré avantage. J'ai pu me concentrer sur l'écriture, sur le fait, sans avoir envie de faire de grandes phrases lourdes pour avoir le plaisir de finir une ligne, non.

J'ai pu déployer tout ce que je voulais dans le but de susciter l'émotion, même si cela passe par de longues ellipses ou de courts passages ramassés. Cela enlève de la "matière", des caractères sur le traitement de texte, mais cela fait gagné de la qualité.
En voyant mes limites sur ce récit, j'ai pu changer, je l'espère, au bon moment pour donner un récit qui ne soit pas dénué de qualité.

samedi 28 mars 2009

Rabu & Poppu

Il y a de cela une semaine, je vous parlais de Love & Pop, de Murakami. En me renseignant sur l'effet que pouvait avoir eu le livre au Japon, j'ai découvert qu'une adaptation cinématographique avait été faite, en 1998. C'est l'oeuvre d'Hideaki Anno, que certains connaissent comme étant le papa de Neon Genesis Evangelion. En ayant juste lu ça, un homme qui travaille sur une série animé mettant en scène des robots géants contrôlés par des femmes avec d'énormes poitrines (je caricature à dessin), ça donne un peu peur pour l'adaptation d'un roman sur la prostitution étudiante. Et puis quand on voit l'affiche, franchement, ça laisse augurer du pire : "Schoolgirls by day... Call girls by night", avec une photo des quatres lycéennes en maillot de bain. Cela serait une affiche pour un porno que cela ne surprendrait personne.



Que nenni, finalement, l'adaptation est réussie. Hideaki Anno, qui avait déjà surpris son monde lors des ultimes épisodes de Neon Genesis Evangelion en y expliquant de manière imagée et philosophique comment il a guéri de son trouble de la personnalité borderline. Il s'agit pour Love & Pop d'un live-action (ou cinéma réalité) : tout est filmé à la caméra DV, avec des fois un rendu très sale, très flou, proche d'un film de vacances. Le montage est nerveux, les cadrages parfois approximatifs pour suivre les quatre amies ou juste Hiromi. D'ailleurs, du côté des actrices, et surtout d'Hiromi, c'est du bon. Quelques changements par rapport au roman, des petits détails sont encore plus malsains que chez Murakami (châpeau, parce que pour réussir ça, il faut se lever tôt...). Le rendu d'ensemble est étrange, avec un aspect de cinéma-vérité choc, c'est très cru, il n'y a pas d'artifice, de longs plans larges, non, c'est pris sur le vif, sans soucis d'esthétisme (bien que cela en soit en réalité un, mais bref, passons).
Et qu'en est-il du rendu de l'atmosphère qu'a mis Murakami dans son roman ? Cela passe agréablement bien, on sent vraiment un respect de l'oeuvre originelle, avec la présence des messages vocaux, des chansons, des conversations en fond sonore (mais ne comprenant pas le japonais et les bruits de fond n'ayant pas été sous-titré, je ne peux dire si ce sont celles du roman). Aller, seul petit bémol : dans un video club, Hiromi lit dans le roman les titres sur les jaquettes pendant une ou deux pages, avec souvent des répétitions. Cela est rendu tel quel dans le film, et cela passe mal. Mais c'est vraiment les seules vingt secondes, sur une heure cinquante, où on se demande ce que ça fout là.

Il s'agit donc d'une très bonne adaptation. Un très bon film ? Je n'en sais rien, je ne l'ai vu que comme l'adaptation du livre de Murakami. Si je dois donner un verdict, oui, il s'agit d'un très bon film, choquant, cru, montrant la vérité de manière encore plus frappante que chez Murakami, avec un média différent qui possède ses propres moyens de véhiculer son message et ses idées. Enfin, cela reste du "cinéma d'auteur" japonais, donc cela peut ennuyer pas mal de monde, j'en convient.

Pour Love & Pop, Hideaki Anno reçut le Prix du Meilleur Jeune Réalisateur au Festival du Film de Yokohama ; et une polémique fut lancée au Japon sur la prostitution des jeunes filles qui, je pense, n'a pas vraiment abouti quand on voit encore le nombre d'idols et l'intérêt toujours vif pour toutes les filles à peine formées et en uniforme au sein de la gente masculine japonaise. Mais cela a eu le mérite de mettre le sujet sur la table.


vendredi 27 mars 2009

Seven Days

Mes quelques lecteurs vont finir par croire que je ne m'intéresse qu'à la littérature japonaise, car ce billet a pour sujet la saga de Koji Suzuki, Ring. Je m'étais promis de ne pas faire plusieurs billets à la suite sur des livres venant de Nipponie, mais c'est raté.

J'ai découvert Ring avec le film éponyme d'Hideo Nakata, que j'avais acheté dans un très beau coffret DVD en forme de cassette vidéo comprenant Ring, Ring 2 et Ring 0. Je m'étais d'ailleurs fait enflé de dix euros à la FNAC, mais je n'avais pas osé protester. J'étais jeune et timide, à l'époque. Bref, Ring, magnifique, il fait peur, tout ça. Ring 2 n'a lui rien à voir avec les livres de Koji Suzuki, et Ring 0 n'est que l'adaptation de l'une de ses nouvelles. A noter évidemment les remakes américains, dirigés respectivement par Gore Verbinski et Hideo Nakata, Le Cercle et Le Cercle 2, qui ne valent que pour la sublime Naomi Watts. Il y a également eu deux téléfilms, reprenant cette fois la chronologie des romans. Ces romans, je les ai découvert par hasard à la FNAC, à côté des romans Star Wars, du côté de l'éditeur Fleuve Noir.

Paru en 1991, Ring (Ringu) est le grand succès de Koji Suzuki (il est vrai bien aidé par la sortie du film en 1998). Roman horrifique, thriller fantastique, Ring nous conte l'histoire de Kazuyuki Asakawa, un reporter, qui décide d'enquêter sur la mort mystérieuse d'une dizaines d'adolescents, dont sa nièce. Il est amené à visionner une mystérieuse vidéocassette, qui l'avertit qu'il mourra une semaine plus tard. La condition pour ne pas mourir est malheureusement effacée. Asakawa a sept jours pour trouver comment résoudre ce mystère, ou mourir.
Double Hélice (Rasen, 1995) est centré sur Mitsuo Ando, un médecin obnubilé par la mort de son fils et qui trouve dans l'estomac d'un de ses amis d'enfance dont il doit faire l'autopsie un papier sur lequel est inscrit "Ring"...
Quant à La Boucle (Rupu, 1998), il met également en avant un protagoniste du milieu médical, l'étudiant Kaoru Futami, qui doit faire face à une épidémie d'un nouveau genre de cancer qui attaque aussi bien les humains que les animaux et les plantes. Déterminer à trouver un remède pour sauver son père, Kaoru s'intéresse au projet "La Boucle"...
Enfin, Ring Zero (1999) est composé de trois nouvelles : Un parfum de citron, Un cercueil ouvert sur le ciel et Naissance.

Ring se suffit à lui-même, largement. S'il ne faut en lire qu'un, c'est celui-là : il est une histoire entière au suspens haletant, où le lecteur est entraîné dans cette enquête à rebours, où le septième jour sera celui du verdict. Qu'est-ce que cette cassette ? Comment éviter de mourir ? Une intrigue très bien construite, un style fluide et sans fioriture, Koji Suzuki se contente du minimum pour laisser l'imaginaire du lecteur construire sa propre mythologie.
Si vous voulez vous lancer dans le reste du cycle, il faut faire attention car l'univers de Ring est démonté dans chacun des romans, tout est expliqué, décortiqué. La part de mystère disparait mais, au moins pour Double Hélice, apparait un gigantesque jeu sadique orchestré par cette mystérieuse force qui a créé cette cassette vidéo. Double Hélice est vraiment mon préféré, car on reste littéralement pantois devant les trésors d'ingéniosité de l'auteur. Je pense que la ligne jaune est franchie avec La Boucle, qui possède, je trouve, un scénario aberrant. Attention, le livre est bon, mais l'histoire est tellement à côté de ce que j'avais aimé dans Ring que mon avis est mitigé. Un bon roman, mais sûrement pas la meilleure conclusion pour ce cycle.
Enfin, le recueil de nouvelles est passable, s'évertuant à raconter les origines du mal.
Parfois, il ne faudrait pas tout expliquer et garder le mystère intact.

A noter également un manga basé sur Ring, que j'avais feuilleté et qui ne m'avait guère inspiré, repoussé que j'ai été par les dessins.

vendredi 20 mars 2009

Sucking to hard on your lollipop

Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai été au Salon du Livre et j'ai craqué pour Love & Pop, de Ryû Murakami, dont j'avais déjà parlé dans mon article sur ses Monologues sur le plaisir, la lassitude et la mort.

Je ne comptais pas lire ce livre tout de suite, le gardant pour plus tard le temps de changer un peu d'auteurs, mais dans le train pour revenir de Paris, je n'ai eu que lui sous la main, je l'ai donc commencé, et depuis terminé.
Alors, que raconte Love & Pop ? Tout simplement la journée d'une lycéenne qui, pour pouvoir acheter une bague montée d'une topaze impériale, va accepter des rendez-vous arrangés pour se la payer. Vu que c'est Murakami qui écrit, on se doute bien que cela va mal tourner.
La narration vue du côté d'Hiromi (archétype de la lycéenne normale, peu sûre d'elle et loin d'être idiote, à ne pas mettre dans le même panier que les lycéennes faisant de la prostitution organisée leur métier) et entrecoupée de paroles de chansons, de messages sur des répondeurs, de conversations de fond, un peu, comme le décrit lui-même Murakami dans sa post-face à la manière d'un tableau d'Andy Warhol.
L'histoire est prenante, le rythme soutenu et les contradictions de la douce Hiromi sont très bien rendues, ce qui en fait un récit vraiment haletant et profond ; mais, car il y a un mais, ce patchwork de bruits de fond, de narration extérieures, de captations sonores n'est pas totalement au point. L'intention est plus que louable d'autant que cela est d'une extrême difficulté (je le sais, pour avoir essayer de réaliser la même chose il y a de cela quelques années), mais la réalisation nous laisse mi-figue mi-raisin. Certains passages sont excellemment bons, comme les messages des hommes et des jeunes filles laissés sur les répondeurs du service de rendez-vous arrangés, qui relèvent vraiment d'une virtuosité incroyable ; seulement, le roman est déjà court, et ces passages annexes ont parfois l'air d'être du remplissage tellement ils n'apportent parfois rien dans certains cas, ou sont trop longs.

Love & Pop est en résumé plus une expérience littéraire, un essai d'écriture, qu'un roman en tant que tel. Cependant, la partie romancée couplée à ces expériences donne un résultat plus que satisfaisant pour le lecteur, immergé dans l'univers Love & Pop des lycéennes japonaises, pour obtenir ce qu'elles veulent.

jeudi 19 mars 2009

Une remarque à l'Ouest

Ma connaissance d'A l'Ouest rien de nouveau, de l'auteur allemand Erich Maria Remarque, remonte à mon année de 3e, au collège. Notre professeur de français voulait nous faire découvrir la Première Guerre Mondiale, en nous faisant lire un extrait de ce roman aux visées pacifistes. Au-delà de cet extrait, je n'avais rien lu d'autres. A 14 ans, quoi de plus étonnant.
Je me suis souvenu de ce livre lorsque j'ai choisi pour mon sixième semestre le module portant sur la Première Guerre Mondiale et sa mémoire (d'où ma lecture de 14-18, retrouver la Guerre), me disant qu'ajouter un peu de culture littéraire à l'histoire ne pourrait pas faire de mal pour la connaissance du sujet, d'autant plus que le roman ayant été écrit en 1928, il est contemporrain de la mémoire immédiate de l'évènement.

Narré à la première personne par Paul Baümer, un soldat prussien, le roman raconte les liens entre de simples soldats auxquels tout le monde pourrait y identifier un ami, un frère, un copain, dans les tranchés face aux soldats français et anglais. D'un humour bravache, l'on passe sans transition à l'horreur du combat lorsque l'assaut est donné par l'ennemi dans les volutes de poussière renfermant la mort et le sang. Folie, mort, désillusions, les soldats sont confrontés en plus à l'incompréhension des civils qui ne se rendent pas compte de ce qui se passe. La guerre a changé depuis 1870, les guerres balkaniques de 1912-1913 n'étant qu'un prélude au massacre décrit dans ces pages. L'expression est simple mais poignante, et l'on voit ces bons gars tomber comme des mouches autour de Paul, qui n'a en tête que sa survie. Plus la victoire, plus la défense, plus la destruction du haï français. Juste la survie. Car comme l'écrit Remarque, ce ne sont plus que des "hommes-bêtes", qui n'avaient rien en partant à la guerre, que rien n'attend, et qui ne trouveront plus rien à leur retour. Et, prophétique, Remarque met dans la bouche de Paul que cette génération sacrifiée habituée à tuer devrait prendre sa revanche, tôt ou tard.


C'était ma guerre

La Première Guerre Mondiale, on croit tout en savoir lorsque l'on n'en connait que des fragments, rapportés par des témoins.

Il est rare que j'apprécie un livre d'histoire plus que ça, et encore plus que j'en parle à des gens autour de moi. C'est pourtant le cas de celui-ci, 14-18, retrouver la Guerre, de Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker.
En trois grandes partie (la violence, la croisade et le deuil), le livre revient sur la réalité de la Première Guerre Mondiale, cette Grande Guerre qui ne peut être comprise comme une parenthèse dans l'évolution mais plutôt comme la genèse des évènements du XXe siècle. Loin des clichés, les auteurs s'attachent à démonter les contre-vérités, et rétablir des faits. Ainsi, par exemple, depuis quelques années, on occulte le fait que la guerre a été voulue et consentie par les millions de soldats, et le pays derrière eux, et que les mutins que l'on porte aux nues comme des pacifistes et des héros en 1917 n'étaient qu'une minorité et ne représentaient pas un phénomène de masse. Ce "suicide européen" a été voulu et tout le monde y a été parce qu'il le voulait, comme le montre les 30% d'engagés volontaires dans l'armée britannique, par exemple.
Ceci n'est qu'un exemple parmi tant d'autres d'un livre qui est vraiment, mais vraiment passionnant et intéressant. De l'histoire qui n'est pas chiante dans la forme, c'était à signaler.

samedi 14 mars 2009

Ma première fois

Et probablement ma dernière. Je parle bien évidemment du Salon du Livre, qui a lieu jusqu'au 18 mars 2009, porte de Versailles, à Paris.
J'étais impatient d'y aller pour la première fois, je m'imaginais déjà une fièvre intellectuelle avec des éditeurs qui présenteraient d'extraordinaires livres, un lieu où j'aurai envie de tout lire, ou tout du moins une partie.
J'aurai mieux fait de ne pas me déplacer, en réalité.
Je passe sur mon énervement dû à l'interminable queue, quand dans la file gratuite pour les étudiants, des personnes passent par une autre porte, coupent tout le monde pour se mettre devant toi alors que cette caisse ne leur revient pas, ça a déjà le don de m'exaspérer.

Bon, une fois qu'on est rentré, on peut peut-être se calmer et apprécier tous ces livres que l'on a devant soi.
Bah pas vraiment, en fait. L'affluence est telle que c'est un calvaire pour se déplacer entre les stands, qui sont pour la plupart petits et où personne presque ne s'arrête. J'avais dans l'optique de voir les stands de littérature étrangère (dont Philippe Piquier), ceux de mangas et voir un peu les readers, ces livres électroniques censés représenter le futur de la lecture.

D'abord, on se fraye un passage vers l'Escale Manga/Bandes dessinées. Beaucoup de stands de vente de goodies, et lorsque les éditeurs présentent des oeuvres, le personnel n'est pas là pour parler du livre mais le vendre par tous les moyens. Il y avait une séance de dédicace avec l'auteur de Soul Eater, Atsushi Ohkubo, mais il était déjà parti à mon arrivée.
On se balade ensuite par-ci par-là, rien de bien passionnant. Les seuls stands qui pourraient m'interpeller, du genre de celui consacré à la Serbie, est austère et repoussant, ne donnant pas envie d'aller découvrir ce qu'il s'y écrit.

J'arrive sur le stand Philippe Piquier, pleins de Murakami partout ! Je prends Les Bébés de la Consigne Automatique, cédant à l'ambiance du salon pour aller l'acheter. Minimum 16€ pour utiliser la carte bancaire ; c'est pas grave, je repose le livre et prend un autre Murakami, Love & Pop, à 18€, que je surveillais depuis plusieurs semaines déjà. C'est là que je me suis rendu compte que ce salon, en fait, n'est qu'une librairie géante, avec quelques dédicaces sur quelques stands. C'est le but premier de ce genre de salon, c'est moi qui en espérait autre chose. Tant pis pour moi, comme on dit. J'ai été bien puni, je vais replonger dans du Murakami et son univers glauque à l'excès.

Enfin, j'ai pu voir les readers, ces bêbêtes souvent protégées par des étuis en cuir pour rappeller de vrais agendas ou de vrais livres, ont des caractéristiques différentes. Un écran assez large, quelques touches, la plupart sont tactiles. En soi, amener le livre à l'ère numérique est très louable, mais je me demande encore l'utilité. A 250€ l'appareil (qui fait aussi parfois lecteur mp3, mais passons), il va falloir en lire, des livres, pour amortir son prix. Je ne pense pas qu'il existerait des problèmes de compatibilité, mais l'une des obligations pour que ce genre de produit se développe est que le prix de la version numérisée doit être inférieur au prix du livre en tant qu'objet. Hors, ce n'était pas le cas il y a encore quelques temps, si je me rappelle bien d'un articule sur un blog littéraire du Monde. S'ajouteun confort que le système numérique ne peut apporter, car s'éloignant du codex pour se rapprocher du parchemin, ou bien encore un problème de scrolling à faire incessant quand le geste de tourner les pages est si instinctif.
Et surtout, il n'y a pas le plaisir de voir combien de pages il reste avant la fin de ce foutu chapitre, et d'estimer ainsi si l'on peut continuer de lire avant que le train n'arrive à destination.

dimanche 8 mars 2009

La déchéance d'une âme

Je me suis remis à écrire. Chouette, penseront certains, tandis que d'autres resteront indifférents.
Pour ce nouveau roman, un an après avoir terminé Elle e(s)t Lui, je voulais quelque chose de nouveau, aussi bien dans le style, dans la narration que dans l'orientation de l'histoire. En septembre, j'avais commencé à faire une synthèse de toutes mes idées éparses qui pouvaient dans mes songes faire de bons romans, mais tout au plus des nouvelles étant donné le peu de matière que je possédais. En faisant cela, je m'imaginais donc une chronique sur un livre d'un groupe d'ami durant plusieurs années. Seulement, je me suis vite rendu compte, d'une part que je n'avais pas assez d'expérience pour réaliser ce genre de travail complexe, et d'autre part que cela ne fonctionnait pas lors du processus d'écriture.

Récemment, j'ai voulu retenter l'aventure de l'écriture. Le pitch de départ, un groupe de jeunes bourgeois(es) aux destinées différentes dans le luxe et la vanité. Idem, un groupe de connaissances avec pourtant un fil directeur commun. J'ai essayé d'écrire, je n'ai pas réussi. Peut-être ne me suis-je pas senti proche de mes personnages. Pourtant, je n'ai rien de commun avec Lucile, le personnage principal d'Elle e(s)t Lui.
Après avoir écarté un ouvrage de science-fiction, car demandant une trop grosse somme de travail dans la conception de l'univers, je me suis retrouvé à écrire Angus, avec une facilité que je n'avais plus connu depuis Elle e(s)t Lui. Il est donc fort probable que mon prochain roman soit celui-ci. Sans en dévoiler plus que de raison, Angus conte l'effondrement d'une personne, une descente aux enfers. N'est-ce pas là l'idée principale d'Elle e(s)t Lui ? Même si l'histoire n'a rien à voir avec ce dernier, Angus est basé sur la même idée, le même moteur.
En revenant plus loin dans le temps, on peut se rendre compte que, déjà, dans Les Errants d'Ahilaya, la déchéance était présente, mais encore plus dans Les Errants d'Ahilaya II, que je n'ai jamais terminé, mais dont les trois premiers quarts témoignaient d'une noirceur dans l'atmosphère identique au voyage intérieur de Théo.

La déchéance, ça serait mon crédo ? Peut-être tiens-je cela de mon amour irraisoné pour Star Wars et son univers, et ce basculement du côté clair au côté obscur, quand l'on peut se servir du côté obscur pour accomplir dans l'esprit de bonnes choses. Je n'en sais rien. Mon avancée dans l'écriture d'Angus permettra peut-être de me donner la réponse sur ce que j'aime et sais écrire. Pour essayer ensuite de changer de registre, et faire voyager le lecteur avec d'autres moyens et d'autres artifices.

lundi 2 mars 2009

Désolé, mais la Princesse est dans un autre château

"L'autre jour, je m'amusais, on s'amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d'interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait de La Princesse de Clèves... Imaginez un peu le spectacle !"

Ces propos sont ceux du Nicolas Sarkozy ministre, en février 2006, s'adressant à des fonctionnaires. Je ne suis pas là pour faire de l'anti-sarkozysme primaire, d'autres le font très bien à ma place. Non, je veux juste imaginer ce qui pousse un grand populiste comme lui à prononcer ces mots sur le ton de la plaisanterie. S'il peut se permettre de dire cela, c'est qu'il y a un public prêt à recevoir.

Personnellement, j'ai lu La Princesse de Clèves avant d'entrer en hypokhâgne, le livre était sur la liste des ouvrages à lire, et comme un idiot je les ai presque tous lus, sachant qu'au final, ce sont des bouquins totalement différents que nous avons étudié. La Princesse de Clèves est le livre dit fondateur de la littérature moderne ; mais tout d'abord, à l'égard du malheureux guichetier qui voudrait tout de même lire ce livre, je dois le prévenir que la première partie du livre m'a paru soporiphique, avec tout un tas d'énumérations de noms en tout genre qu'il est impossible de retenir. Une édition avec une généalogie n'aurait pas été du luxe. La Princesse de Clèves, donc, constitue une nouvelle approche (pour l'époque, s'entend) psychologique de l'amour et de la fidélité (oserons-nous parler de libertinage ?), avec sans cesse les tiraillements de cette Princesse face à l'amour du Duc de Nemours. Le sentiment amoureux est décortiqué dans ses moindres détails, amenant les changements dans les comportements. L'une des seules choses qui peut rebuter le lecteur en lisant le livre, c'est le style très précieux de Madame de La Fayette. En même temps, cela a été écrit en 1678. Cependant, celui-ci reste hors du temps, car contant les bases de la vie sentimentale dans cet univers quasi-monacal qui entoure la Princesse.

Bon, arrêtons-nous ici sur La Princesse de Clèves et revenons en au discours de M. Sarkozy. Il est vrai qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu ce livre pour faire un bon agent de la fonction publique, je pourrai prendre pour exemple mes parents, qui travaillent dans un hôpital et qui n'ont jamais entendu parler de Madame de La Fayette. Cela, pourtant, ne les empêche pas d'assurer leur travail efficacement. Je pense que sur ce point, tout le monde sera d'accord.

Cependant, une chose me choque : c'est le déni de la culture. Pourquoi cela serait-il impossible de parler de La Princesse de Clèves avec une guichetière ? Parce qu'une guichetière, c'est forcément con, donc ça ne lit pas et ça préfère regarder la télé en bouffant des chips ? Je suis désolé, mais n'importe qui peut très bien parler d'un livre qu'il a lu et faire partager sa culture. D'ailleurs, il qualifie l'examinateur de "sadique" ou d'"imbécile". Avec ces termes, on touche peut-être le fond du problème : le monde s'envisage désormais pour une certaine portion de la population comme dénué de culture. Le savoir (et non l'intelligence), la connaissance, ne serviraient à rien pour "produire". Cela se recoupe avec une déclaration de Xavier Darcos qu'il avait tenue lors de sa volonté de réformer le lycée. Je cite, "le lycée français est sans aucun doute trop dispersé, avec un nombre d'options considérables, dont certaines coûtent extrêmement cher avec une utilité sociale limitée." Sans m'épancher là-dessus, car je me rend compte que je fais vraiment beaucoup de digressions, c'est la notion d'"utilité sociale limitée" qui me fait mal. La culture doit donc produire quelque chose. Si nous avons un cerveau, pourquoi ne pas s'en servir à notre épanouissement en découvrant des choses qui ne serviront peut-être pas fondamentalement à faire progresser le PIB de la Nation, mais à la réflexion personnelle et commune ? La culture doit-elle toujours être vue comme appartenant à une élite et pour une élite, s'attirant la foudre des dites "petites gens" qui croient que cela leur est inaccessible ? Le fond du problème est peut-être là, ce discours du futur candidat à aux élections présidentielles n'en étant que l'illustration. La culture n'est pas réservée aux élites, même une guichetière peut se l'approprier.

Imaginer un monde où tu pourrais parler de La Princesse de Clèves avec une guichetière de La Poste, est-ce de trop ? Pourquoi cela serait-il cocasse ? Cela ne la rendrait pas plus efficace, mais cela pourrait peut-être nous ouvrir l'esprit sur des choses moins matérielles.

Ah, l'utopie...


dimanche 1 mars 2009

Hyde and Seek

Je viens de terminer un classique de la littérature anglaise, un petit roman de Robert Louis Stevenson (mais si, vous savez, l'auteur de L'Île au Trésor) s'intitulant L'Etrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde. Cela fait déjà pas mal de temps qu'il trainait dans ma bibliothèque, mais je n'avais pas encore franchi le pas. Il faut dire que tout le monde croit connaître l'histoire du Dr Jekyll et de Mr Hyde ; tout le monde sait que Dr Jekyll est Mr Hyde. Bon, passé cela, on ne connait que des détails, et pas vraiment l'histoire.
Une chose est certaine, l'oeil qu'a un lecteur aujourd'hui de ce récit n'est pas le même que celui qui découvrait le livre en 1886, abasourdi par la révélation du dernier quart de l'histoire.
Aujourd'hui, la dimension de l'épouvante est moindre étant donné que, encore une fois, on connait les tenants et les aboutissants.

Reste la réflexion de l'auteur sur nos Jekyll et nos Hyde. Et quelle réflexion ! Véritable schyzophrène, Jekyll ne peut pas assumer les contraintes sa position sociale dans le Londres de la fin du XIXe siècle, où tout est très strict et compte plus que tout ce qu'on dit de vous. En isolant sa partie sombre, Hyde, il peut donner libre cours à ses vices tout en ne remettant pas en cause sa position. Seulement, Jekyll va se faire peu à peu grignotter par Hyde, comme lorsqu'un tenté cède et se retrouve pris dans une spirale infernale. Comment arrêter lorsque c'est si bon ? Roman de la schyzophrénie commune qui nous habite, L'Etrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde est construit comme un enquête policière où le notaire, Utterson, part à la poursuite de ce mystérieux Mr Hyde, basculant ensuite dans le fantastique, mais clairement, les pages qui doivent être lues sont celles de la confession de Jekyll, à la toute fin du livre où en débutant à la première personne, il se voit obliger de se dédoubler pour parler de lui-même.

Troublant.
Et il devait l'être encore plus à sa sortie.