jeudi 13 août 2009

Hiroshima sans gêne

J'avais dit que j'en avais fini avec Hiroshima. Je le pensais moi aussi. J'avais même sorti un roman de Richard Matheson, Je suis une légende, mais la bombe atomique m'a rattrapé. Innocemment, je suis allé à la médiathèque avec ma copine et je me suis retrouvé par pur hasard au rayon des mangas, et vraiment par hasard, mon œil s'est attardé sur les dix tomes de Gen d'Hiroshima, de Keiji Nakazama. Survivant d'Hiroshima,où il perd son frère cadet et sa mère, il a commencé à raconter son histoire dans différentes séries mais c'est avec Gen d'Hiroshima qu'il rencontre un succès d'estime et commercial.

Je n'ai pour le moment lu que le premier tome (le deuxième étant emprunté), mais si la série de dix volumes tient cette qualité jusqu'au bout, Gen d'Hiroshima a tout pour être l'une des plus grandes séries de manga que je connaisse (je n'en connais pas beaucoup, d'accord, cela aide un petit peu). Le dessin est assez simple et rond, chaleureux et bien que les personnages souffrent, l'auteur n'hésite pas à nous faire sourire par la posture des personnages et leurs expressions. Sans trop m'avancer, je pense qu'il s'agit ici d'une sorte de retranscription affective de ce qu'il a pu vivre ou connaître à cette période auprès d'êtres chers, d'où ce dessin heureux.

Le premier tome ne s'intéresse pas tellement à la bombe atomique. Il s'agit du fil conducteur au cours de cette histoire qui débute au début de l'année 1945 pour aller jusqu'aux premières heures du 6 août 1945, et nous en avons quelques pages d'explications ainsi que de l'état de la guerre, mais il s'agit plus d'une remise en contexte qu'autre chose. Ce tome-ci s'attache donc à la vie en temps de guerre dans le Japon impérial, et l'embrigadement militaire des corps et des pensées est on ne peut mieux décrite. Si j'ai souvent parlé du désastre humanitaire qu'est la bombe atomique lancée par les États-Unis, je n'en oublie pas pour autant les atrocités commises par le Japon impérial. Keiji Nakazama nous raconte la vie d'une famille dont le père est un pacifiste avoué, qui se met de ce fait la population à dos et voit sa famille se faire humiliée pour cela. Dit comme cela, on peut penser que l'histoire est classique et qu'il s'agit de déjà vu. Eh bien pas du tout, car les personnages sont variés et hauts en couleurs et ont des réactions différentes devant l'armée, l'humiliation, la persécution, la famine qui tiraille le peuple japonais, la guerre, la maladie, etc... Le père fier de ses valeurs, la mère aimante et dévouée, l'aîné qui veut préserver l'honneur de sa famille, l'autre fils Gen toujours prêt à se battre, le cadet Shinji qui ne pense qu'à manger, etc... On suit pendant presque un tome les tribulations de cette famille qui a tout pour être malheureuse mais qui survit tant bien que mal en parvenant à nous faire sourire. Enfin ça, c'était jusqu'au 6 août 1945 à 8h15.

La bombe explose et durant les dix dernières pages du tome, le lecteur a droit aux quelques dizaines de minutes suivant la catastrophe. Le rire cède presque la place aux larmes tellement l'émotion est poignante et sans en dévoiler de trop, les dilemmes auxquels doit faire face Gen sont poignants, et Nakazama donne des visages à ceux que Gen doit abandonner, ces traits ronds et chaleureux qui caractérisent son dessin, il leur donne les traits de la vie alors qu'ils sont condamnés à mourir dans les flammes de l'incendie d'Hiroshima.


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