mardi 1 septembre 2009

Star by Star

Qu'est-ce qui est de la littérature, et qu'est-ce qui n'en est pas ? Vaste question, n'est-ce pas ?

Mon parcours de lecteur a débuté avec L'Île au Trésor puis Roald Dahl avant de connaître une longue période durant laquelle une série de livres parmi toutes prenait une place prépondérante, phagocytant mon temps de lecture jusqu'à l'extrême, ne laissant que peu de places au reste. Cette série, il s'agit de celle des romans dérivés des films Star Wars. Est-ce que ces livres qui utilisent une licence pour bien vendre peuvent être considérés comme de la littérature ou juste comme des livres écrits en quatrième vitesse pour être rapidement sortis, et rapidement achetés pour contenter le fan trop heureux de pouvoir lire des histoires ineptes de sabres lasers, de robot asmathique et de vaisseaux spatiaux ?

J'ai commencé ma plongée (en apnée) dans l'Univers Etendu de Star Wars avec la trilogie de la Croisade Noire du Jedi Fou de Thimothy Zahn pour remonter à la surface à la fin de la saga en 19 tomes du Nouvel Ordre Jedi. Entre cela, une centaine de romans, même ceux estampillés "Jeunesse" y sont passés, et je me suis même essayé aux versions anglaises en étant encore qu'en 4e. J'ai oublié une bonne partie du "savoir" que j'avais à l'époque, mais il me suffit de prendre sur son étagère Les Ombres de l'Empire, de Steve Perry, pour que toute une atmosphère remonte à la surface. C'est bien, je suis sentimental, mais est-ce qu'on peut vraiment qualifier cette chose de littérature ?

Ce débat a souvent animé la communauté Star Wars, et encore aujourd'hui, on tombe parfois, mêmes sur des sites tels que Le Monde, des messages d'Internautes dénigrant certaines "jeunes qui ne sont bons qu'à jouer à leurs jeux vidéos et à lire leurs bouquins de SF et de Fantasy, jamais ils ne connaîtront la beauté de la vie, blablabla", je passe tous les clichés. Aujourd'hui, je pense être en mesure de répondre en ce qui concerne l'Univers Etendu de Star Wars, et plus globalement, car l'on part du particulier pour ensuite élargir.

La licence Star Wars a connue deux éditeurs, et grosso modo, deux périodes : Bantam puis Del Rey ; le premier a lancé et pérennisé, le second a renouvelé. La première période correspond à des romans faisant suite à la première trilogie mettant en scène quasi-systématiquement Luke, Han et Leia qui sauvent la galaxie. Certains livres sont très bons, très agréables à lire, faisant rire et pleurer (la saga X-Wing, qui met en scène un escadron presque-inédit de pilotes), tout en côtoyant des romans d'une lourdeur et d'un ennui mortel (Barbara Hambly est devenu mythique dans la communauté Star Wars pour deux de ses romans d'une médiocrité abyssale). Que penser de cette période ? Hormis quelques éclats de quelques auteurs, l'on navigue dans ce que l'on pourrait appeler des romans de gare, des livres faciles à consommer qui apportent du plaisir sans réfléchir, mais je reviendrai sur ces notions plus loin.
Del Rey reprend le flambeau avec l'arrivée de la nouvelle trilogie et l'on assiste à un renouvellement des histoires, des personnages et des auteurs. La série du Nouvel Ordre Jedi en est une très bonne illustration : les héros traditionnels sont progressivement éclipsés par une nouvelle génération, les gentils perdent et meurent, l'Empire n'a que peu à voir dans l'intrigue principal, tout est inédit et démesuré, si bien que l'on ne sait pas bien ce qui peut arriver en ouvrant l'un des livres (le traumatisme de Vecteur Prime est encore prégnant chez de nombreux fans), et la série est écrite par de nouveaux auteurs (Denning, Salvatore) épaulés de vieux routards qui ont écrits les meilleurs moments de l'époque Bantam (Stackpole, Aalston). Parmi ces nouveaux auteurs, l'un d'eux retient particulièrement mon attention et a atteint mon panthéon de mes écrivains préférés malgré le fait qu'il soit estampillé "SF/Fantasy" : Matthew Stover. Il a écrit Le Traître pour le Nouvel Ordre Jedi, Point de Rupture pour la Guerre des Clones et a été chargé de la novélisation de la Revanche des Siths, le troisième épisode de la saga cinématographique, le dernier à être sorti (j'aime bien embrouiller les gens). Ce n'est pas un prix Nobel de Littérature, mais sa plume est excellente et il n'a pas écrit que de très bons livres Star Wars, il a écrit de très bons livres tout court. Quand j'écris la critique d'un quelconque roman, je pourrai très bien écrire à la suite celle de Point de Rupture sans que ce dernier ait à en pâlir par son statut de "roman Star Wars". Il n'aborde pas que les thèmes que l'on retrouve dans les films et qui ont été répétés à outrance pendant l'époque Bantam, il construit une véritable réflexion sur des choses très différentes avec un brio certain. Pour le plaisir, je ne peux m'empêcher de citer un extrait du Traître, qui m'avait profondément marqué à l'époque (je devais être en 3e) car cela sortait de l'ordinaire des descriptions de combat des autres romans de la série.

« Ils se ruent sur lui, un par un, en un flot continu, chaque guerrier cherchant la gloire d'un combat singulier honorable.
Puis ils arrivent deux par deux.
Quand ils commencent à attaquer par groupe, ils doivent piétiner les cadavres de leurs camarades pour atteindre le Jedi. Un monceau de cadavres.

Qui se transforme vite en rempart...
Ganner Rhysode se construit une forteresse de morts.

[...]
Pour tenir le passage, il n'est pas suffisant de tuer et de blesser, ni d'être calme et attristé.

Pour tenir le passage, il ne doit pas seulement prendre des vies, mais le faire sans effort, avec insouciance et en riant joyeusement.

Pour tenir le passage, il doit danser, virevolter, sauter, tourbillonner et appeler à lui d'autres adversaires. D'autres victimes.
Il doit les obliger à hésiter à l'affronter.

Leur faire connaître la peur.
Et il a trouvé l'incantation magique qui a détruit les barrages, en lui, et libéré les flots.
Personne ne passera. Il manie la lame d'un héros tombé au combat. Maintenant, c'est lui le héros, et ses ennemis tomberont.
Il s'élève.

La Force gronde en lui, à travers lui, et il lui répond. En renonçant à tout contrôle, en abandonnant la pensée, en réagissant seulement à une vgue de passion et de joie, il trouve un pouvoir dont il n'aurait jamais osé rêver.
Il est devenu la bataille.
[...]

Ganner Rhysode ignore tout de la texture du corail qui couvre les murs, de la qualité de la lumière, ou du nombre d'adversaires qu'il combat. En a-t-il ffronté une dizaine ? Une centaine ? Combien on été traînés en sécurité après avoir récolté des blessures graves ? Combien gisent dans le brouillard sulfureux ?

Il ne s'en souvient ps, car il n'a plus de mémoire. Pour lui, il n'existe plus ni passé ni avenir.
Il n'a plus conscience de lui-même. Ni des Yuuzhan Vong. Il est devenu les guerriers qu'il combat, se tuant lui-même à chaque fois que l'un d'eux périt. Il n'existe plus de Ganner Rhysode. Plus de Yuuzhan Vong, plus de Jedi.
Il ne reste que les danseurs et la danse.

Dans la galaxie, désormais, tout est mouvement.
Tout est danse.

Tout
est. »
— Matthew Stover, Le Traître, XIV.

Cela peut paraître convenu dans une esthétique un peu surfaite que l'on aurait l'habitude de rencontrer dans ce qui veut se donner du style pour paraître, mais il est que la qualité est là, et j'aurai pu choisir bien d'autres extraits, parfois plus représentatifs mais qui m'étaient bien moins chers. Résumons l'époque Del Rey comme nous l'avons fait pour l'époque Bantam : il s'agit d'une hausse de la qualité, d'une prise de risque évidente avec de très bons auteurs qui écrivent de très bons livres. Mais alors, y aurait quelques bouquins qui seraient de la littérature et pas un truc pour ces décérébrés de fans abrutis, comme le pense l'éditeur français Fleuve Noir en proposant des traductions minables et bâclées, et des couvertures confinant aux limites du ridicule (allant jusqu'à échanger deux couvertures de deux romans, à confondre des quatrièmes de couverture...) ? Pas vraiment. J'ai même envie de dire que tous les romans Star Wars sont de la littérature (oui, même ceux de Barbara Hambly.), non pas dans la mesure où il s'agit de quelque chose d'écrit, mais plutôt dans celle où ces romans sont une façon comme une autre de se projeter dans un ailleurs et de s'évader, de s'initier à tous un tas de choses, de faire des expériences et d'évoluer, de se développer personnellement, et avant tout de prendre du plaisir.
Du particulier au général, il en va de même pour les romans de J.K. Rowling et son fidèle Harry Potter, que je ne porte pas vraiment dans mon coeur, ou encore plus récemment de la saga de Stéphanie Mayer dont le film Twilight nous est arrivé. Même Marc Lévy, tiens. Du moment que le lecteur prenne du plaisir, c'est là l'essentiel. Reste ensuite la question importante de savoir s'il s'agit ou non de bonne littérature...

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